Unis par la passion des violons (19 OCTOBRE 2017 LaCôte)

MORGES L’un a restauré un violon de 1740, l’autre en a réalisé deux copies.Un duo original pour un instrument de Gagliano.

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Alexis Schilbach tenant le violon de 1740 et Jérémiah Petit avec l’une de ses deux copies. SIGFREDO HARO

 

Près de deux ans ont été nécessaires à Jérémiah Petit, luthier à Morges, pour réaliser deux copies d’un violon, un Gagliano de 1740. Il a débuté son travail peu après que son associé, Alexis Schilbach, a restauré l’instrument. Une fois la seconde réplique terminée, et pour marquer le coup, ils ont récemment organisé un vernissage où étaient invités clients et amis afin de leur faire découvrir et entendre les résultats.

«Je cherche une gamme d’instruments qui permet un son  puissant à un coût abordable pour les musiciens », explique Alexis Schilbach. C’est ainsi qu’en 2014, il a déniché, dans une vente aux enchères, ce Gagliano un peu mal en point. «Un violon aux sons mélodieux et qui a un mi très chantant. Il a une présence sonore assez exceptionnelle, sourit Jérémiah Petit. Ce qui en fait un instrument de concert idéal pour un soliste.» Aujourd’hui, le violon est prêté à différents musiciens en attendant de trouver son futur propriétaire prêt à débourser 180 000 francs. «Est-ce que ce montant est abordable? Oui, car nous ne sommes pas dans les millions d’un Stradivarius, par exemple, qu’aucun musicien n’aurait les moyens d’acheter», continue Alexis Schilbach, qui a choisi de travailler avant tout pour les artistes et non les collectionneurs. «La rénovation était un défi qui n’aurait pas pu être relevé il y a quelques années. Depuis, nous avons développé des méthodes qui m’ont permis de restaurer la “fissure” d’âme (ndlr: la pièce placée à l’intérieur de la caisse de résonance) », explique-t-il. Il a aussi dû recréer une tête car l’originale n’existait plus. «Ce qui enlève un peu de sa valeur pour un collectionneur, mais pas pour un musicien car rien ne change au niveau de la puissance de l’instrument », précise Alexis Schilbach.

Cet Allemand a choisi de s’installer à Morges en raison de la présence dans la région de plusieurs professeurs de renommée internationale attirant les jeunes violonistes souhaitant parfaire leur art.

Dupliquer l’original

La région de Morges, Jérémiah Petit a décidé d’y retourner après avoir étudié en Italie. Lors d’une rencontre de luthiers, à Morges, il a croisé le chemin d’Alexis Schilbach et la conversation les a menés à envisager une association.

Désormais, chacun partage son temps entre ses projets personnels et un travail en commun. Car si l’Allemand est spécialisé en restauration, celui qui est né et habite à nouveau à Lully construit des instruments neufs.

Le Gagliano a été l’élément qui les a rapprochés: pouvoir l’étudier, prendre les mesures, analyser l’aspect sonore, sans le stress de devoir le rendre rapidement à son propriétaire, était une aubaine pour Jérémiah Petit.

Inspiré d’un Amati, grand luthier de Crémone

Concrètement, il a sculpté le bois d’érable ondé pour la caisse et le chevalet et a utilisé de l’épicéa pour la table. Mais avant de se lancer dans la confection, Jérémiah Petit a d’abord recherché comment le modèle a été construit, à Naples, par Nicola Gagliano. «Au contraire d’autres, Gagliano l’a réalisé sans moule, mais sur la base d’un modèle existant. Une étiquette dans le violon nous fait penser que l’original dont il s’est inspiré est très probablement un Amati. Il s’agit de l’un des plus grands noms de luthier de Crémone, là où Stradivari a étudié», raconte-t-il.

«Après avoir terminé la première copie, je l’ai testée et observé ce qui pourrait améliorer le son. Il manquait de puissance et de projection », décrit le souriant trentenaire. Concernant les adaptations apportées sur la seconde copie, il ne pouvait pas les effectuer sur la forme du violon qui est immuable, puisqu’elle doit respecter les dimensions de l’original. Il a donc travaillé sur l’épaisseur du bois. «Je suis content. Le premier est bien, un peu plus rond au niveau du son et le second est plus puissant. Mais il doit encore être joué pour s’ouvrir», développe-t-il.

Son but est aussi de réussir à vendre ses répliques – 15 000 francs pour le premier et 18 000 francs pour le second – qu’il n’hésite pas non plus à prêter à des (jeunes) musiciens de haut niveau. Le bouche-à-oreille sur le travail de ces deux luthiers arrivera très certainement jusqu’à l’ouïe de futurs acheteurs.

 

(19 OCTOBRE 2017 LaCôte)

FABIENNE MORAND
morges@lacote.ch